
Un bar à Paris, le 11 juillet 2013 ( AFP / Kenzo TRIBOUILLARD )
Cinq mois après le retentissant procès des viols de Mazan, l'exécutif est appelé, dans un rapport remis lundi, à débloquer des moyens "dès cette année" pour améliorer la prévention de la soumission chimique et l'accompagnement des victimes.
"Notre message est clair: si on veut endiguer ce phénomène, il faut mettre en place une vraie politique d'Etat avec les moyens qui vont avec", déclare à l'AFP la députée MoDem Sandrine Josso, co-rapporteure avec la sénatrice RDSE Véronique Guillotin de cette mission lancée en avril 2024 par le gouvernement Attal.
Le procès de Mazan, devenu le symbole de la soumission chimique autour des viols subis par Gisèle Pelicot, sédatée par son mari, "a créé un électrochoc, la société toute entière nous regarde : on ne peut plus se permettre d'avoir une politique low-cost par rapport aux victimes", ajoute-t-elle.
Dans leur rapport remis au gouvernement lundi, les deux élues émettent une cinquantaine de recommandations, dont 15 à mettre en oeuvre "en priorité dès cette année", allant de la prévention à l'accompagnement des victimes en passant par le traitement judiciaire ou encore la recherche consacrée à ce phénomène.
Elles préconisent notamment le lancement, à un rythme annuel, d'une vaste campagne de sensibilisation de l'ensemble de la population, ainsi qu'"un renforcement des moyens" au bénéfice de l'éducation à la vie affective et sexuelle (Evars) dans les établissements scolaires.
Face à des parcours jugés peu lisibles par les victimes, la mission recommande l'élaboration d'un référentiel par la Haute autorité de santé (HAS) sur le dépistage, l'orientation et l'accompagnement.

Gisèle Pelicot arrive au palais de justice d'Avignon, le 10 septembre 2024 ( AFP / Christophe SIMON )
"Celui-ci intégrera notamment une fiche réflexe (un document de référence pour les personnes prenant en charge les victimes, NDLR) et une identification des différents lieux où réaliser des prélèvements biologiques dans les heures qui suivent" les faits présumés, précise le rapport.
Autre préconisation: généraliser l'expérimentation du remboursement des prélèvements biologiques sans dépôt de plainte. Cette dernière doit démarrer le 1er juillet dans trois régions qui restent à définir, pour trois ans.
Le rapport propose également d'élargir la levée du secret médical aux cas de soumission et de vulnérabilité chimiques et la mise en place de kits de prélèvements biologiques - et non de détection "qui ne présentent aucune garantie pour leurs usagers" - et de prendre en compte les cas de vulnérabilité chimique dans le code pénal.
- "Infinitésimale" -
"Il faut que chaque victime, où qu'elle soit sur le territoire, puisse avoir les mêmes chances en termes d'accompagnement", dit à l'AFP Véronique Guillotin, qui évoque l'idée qu'à terme, notamment dans les territoires ruraux, les infirmières puissent "réaliser des prélèvements", puis les "conserver dans de bonnes conditions avant de les acheminer jusqu'à un laboratoire compétent".

Le sénateur Joël Guerriau quittant le tribunal de Paris, après une confrontation avec la sénatrice Sandrine Josso, Paris, 6 novembre 2024 ( AFP / GEOFFROY VAN DER HASSELT )
A Libération, la ministre chargée de l'Egalité femmes-hommes Aurore Bergé a assuré qu'on ne pouvait "se contenter de communiquer sans tenir compte du fait que cela va engendrer plus de demandes pour recueillir des preuves, déposer plainte, et c'est tant mieux". "Il va falloir déployer les moyens adaptés comme on le fait depuis 2017", a-t-elle indiqué, sans donner de chiffres.
La présentation de ce rapport survient cinq mois après le verdict dans le procès des viols de Mazan à l'issue duquel Dominique Pelicot a été condamné pour avoir drogué et livré sa femme à des dizaines d'inconnus qui l'ont violée.
Le rapport est "une avancée, les mesures vont dans le bon sens", a réagi auprès de l'AFP Caroline Darian, fille de Gisèle Pelicot et fondatrice de l'association M'endors pas. "La question maintenant c'est quelle échéance, quelles ressources et quel budget va mettre à disposition le gouvernement. On ne peut pas se permettre d'attendre encore des mois."

La sénatrice Sandrine Josso, arrivant au tribunal de Paris pour une confrontation avec le sénateur Joël Guerriau, Paris, le 6 novembre 2024 ( AFP / GEOFFROY VAN DER HASSELT )
Une autre affaire de soumission chimique est elle pendante, celle concernant le sénateur Joël Guerriau, soupçonné d'avoir en novembre 2023 drogué Sandrine Josso afin de commettre une agression sexuelle. Début avril, le parquet de Paris a requis un procès contre l'élu.
Selon les estimations officielles, 1.229 soumissions et vulnérabilités chimiques vraisemblables ont été analysées en 2022 par le centre de référence des agressions facilitées par les substances (CRAFS).
En 2023, "127 personnes ont été mises en cause au titre de la seule soumission chimique: parmi les 65 procédures poursuivables, 62 l'ont été effectivement, donnant lieu à des peines de réclusion ferme d'une durée moyenne de 8,9 années", selon le rapport qui insiste sur le fait que ces chiffres ne représentent qu'une "estimation infinitésimale des situations".
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